Coucou tout le monde !
Ce soir on met à l'honneur INSIDE LINES écrit par AMHELIIE & MARYRHAGE.
Voici le chapitre 1 !
Le livre est dispo en papier et numérique.
Bonne lecture !
Chapitre 1
Asher
Je repose la fiche sur la pile de dossiers des joueurs dont on a déjà parlé. J’étire ma nuque qui commence à être sensible à force d’avoir la tête baissée. Ce côté du boulot n’est pas le plus sympa, mais il faut en passer par là pour avoir le droit de connaître les meilleurs moments.
John, l’entraîneur adjoint, me fait signe de continuer. Je prends le dossier du prochain joueur dont on va parler.
Ça fait trois heures que cette réunion dure, les cravates ont été desserrées, les chemises de certains sont ouvertes et n’ont presque plus de manches et les bouteilles d’eau se comptent par dizaines au milieu de la grande table.
On étudie chacun des 23 joueurs un à un, on passe en revue leur potentiel, leurs points forts et leurs points faibles. Leurs performances et leur capacité physique. C’est long et fastidieux, mais je tiens à me présenter en en connaissant un minimum sur chacun d’entre eux.
— Kade King, reprend John.
J’entends des petits rires venant du staff présent. Je sais qui est Kade King, je sais aussi que c’est son père qui m’a recruté pour entraîner cette équipe. La réputation de son fils n’est plus à faire et apparemment elle se confirme par le staff.
— Talentueux du peu que j’ai vu, vraiment talentueux, poursuit John, un énorme potentiel, il visualise rapidement, il a un bon jeu de jambes et une vitesse de pointe qui laisse beaucoup de monde sur le carreau…
John se tait et jette un regard à Greg le préparateur physique. Je fronce les sourcils, John est plus loquace d’habitude, il me donne plus d’infos que des broutilles tirées du journal sportif du dimanche.
— Il est en forme, commence Greg.
Toutefois, je le coupe.
— C’est quoi le problème John ?
Je ne connais pas le grand blond depuis longtemps, à peine quelques jours, on a beaucoup échangé par mail avant que j’arrive en Angleterre cependant, et jamais il n’a utilisé de langue de bois.
Il lève la tête de son dossier, je croise son regard bleu avant qu’il n’erre sur le reste du staff.
— C’est Furious Coach, ce surnom n’est pas là pour rien.
— Ce qui veut dire ?
— Qu’il est électrique, sur le terrain comme en dehors. Il a sûrement de grandes possibilités, mais malheureusement, son tempérament joue contre lui. Le talent et les relations, ça ne suffit pas.
En gros c’est un petit merdeux qui profite du statut de papa pour se faire sa place au soleil. Je sens qu’on va bien s’entendre lui et moi.
John a raison cependant, il a du talent, inexploité probablement à cause de son caractère, mais il en a. J’ai visionné le peu de matchs qu’il a joués dans son ancienne équipe avant de venir et ce que j’ai vu m’a impressionné pour un gamin de vingt ans.
— Très bien, on verra ça lundi sur le terrain. Greg, continue.
La réunion reprend, on épluche les dossiers des joueurs avant la conférence de presse de ce soir avec les dirigeants. Jefferson King, le président, m’a laissé carte blanche pour choisir mes collaborateurs, je suis assez confiant, le staff est bon, il restera avec moi. Ils connaissent les joueurs et font leur job, c’est tout ce que j’attends de mes coéquipiers.
En tant qu’ancien joueur, je vois les membres techniques ainsi que le staff médical comme des membres de mon équipe. Celle qui doit faire en sorte que sur le terrain, tout roule pour les joueurs. Chacun a sa place et une mission à accomplir, mais c’est ensemble qu’on arrive à la victoire. Si l’un de nous flanche, c’est tout l’édifice qui s’effondre. Et étant donné que c’est moi qui symbolise le bien-être de l’équipe aux yeux de tous, je tiens donc à être accompagné par des personnes compétentes. Je peux tirer de la gloire des victoires, mais je prendrai en premier si on est vaincus.
L’objectif de cette saison est de remonter la pente. Je suis là pour redonner du souffle à une équipe qui s’est enlisée dans les défaites et qui a chuté au classement, sans parler de ses performances dignes de seconde zone en championnat européen. Il y a du boulot, un fonctionnement à revoir et des joueurs à cadrer, mais je suis confiant. J’ai vu pire en Allemagne avec encore moins de moyens. Je ne fais pas de miracle, toutefois je sais où agir. Je l’ai prouvé à plusieurs reprises en championnat allemand, il n’y a pas de raison que l’Angleterre me résiste.
***
Je regarde mon portable pour la dixième fois, ils sont en retard. Je devrais avoir l’habitude, je passe chaque vendredi soir à les attendre. Le gène de la ponctualité n’a pas touché mon frère et ma sœur.
La porte du restaurant s’ouvre, je me décale un peu pour voir qui entre. Je soupire en voyant une grande brune en pyjama de l’hôpital faire son entrée. Elle a au moins l’excuse de vies à sauver pour être en retard, par contre Aaron n’en a aucune et pourtant c’est toujours lui qu’on attend.
Je me lève pour embrasser ma sœur. Adriana me serre contre elle, puis elle s’installe en face de moi. Je l’entends lâcher un gros soupir et elle lève la main pour héler le serveur.
— Je ne suis pas trop en retard ?
Je souris à ma petite sœur, ses cheveux qui partent dans tous les sens, le rouge sur ses joues et son regard bleu cerné. Je serais un monstre si je lui reprochais son quart d’heure de retard.
— Non, je viens d’arriver, je mens.
Elle commande un martini et je prends un bourbon. Elle se recoiffe rapidement, puis cale ses avant-bras sur la table en me souriant.
— Aaron n’est pas encore là ? Je pensais que vous viendriez ensemble.
— Non, j’avais des trucs à régler avec les dirigeants avant de venir.
— Comment ça s’est passé ?
Le serveur nous apporte nos verres, je trinque avec Adriana avant de prendre une gorgée du breuvage ambré.
— Bien, très bien même à part…
Je me tais en voyant Aaron débarquer. Adriana se tourne face à mon silence et repère notre frère, comme à peu près tout le restaurant. C’est lui qui a choisi le lieu de nos retrouvailles hebdomadaire. On vient ici tous les vendredis, tous les trois pour se retrouver en famille maintenant que je suis à Londres. Il est ici, comme chez lui, il connaît le patron et toute sa famille italienne. Aaron est exubérant, il aime qu’on le remarque là où, ma sœur et moi, avons plus de retenue, en dignes Britanniques que nous sommes.
J’aime le voir comme ça, habituellement il m’amuse, mais ce soir je n’ai pas envie de rire, pas après ce qu’il a fait.
Aaron nous rejoint, Adriana l’embrasse, il me fait un clin d’œil par-dessus l’épaule de notre sœur puis il s’installe à côté d’elle.
Je les laisse se retrouver quelques minutes en les observant. Je suis le plus vieux des trois, le grand frère qu’on vient voir en cas de problèmes d’argent pour Aaron et celui sur qui on pleure sa déception sentimentale du moment pour ma sœur. On est proches tous les trois, mais Adriana et Aaron n’ont que deux ans d’écart et ont toujours eu ce lien plus particulier qu’avec moi qui suis l’aîné de cinq ans de la benjamine.
Enfant, l’un n’allait pas sans l’autre et quand notre mère est morte, ils sont devenus plus qu’inséparables, jusqu’à dormir dans la même chambre. Pour deux préados c’était limite, mais notre père les a laissé faire. Ensuite je suis parti jouer en Espagne et même si on est resté en contact, si on s’est vus durant ces années, je n’ai pas cette complicité qu’il y a entre eux.
Aaron finit par commander une bière, le silence retombe sur notre table.
— Alors, racontez-moi cette conférence de presse ? reprend Adriana, une fois que le serveur eu déposé la bière.
Je jette un regard noir à mon frère, il n’a pas pu se retenir de l’ouvrir, de me mettre mal à l’aise.
— Ash a été génial, il a répondu clairement même aux questions les plus débiles.
Aaron se tourne vers moi, son regard brun rendu encore plus sombre par la barbe de quelques jours qu’il arbore est bien trop fier de lui. Il est journaliste sportif pour le plus grand canard qui traite du sujet dans le pays. Il était là ce soir, je voyais en lui un allié alors que j’étais stressé de raconter une connerie, au lieu de ça, il a posé la seule question que je ne voulais pas entendre.
— Même à la tienne, tu veux dire, je réponds.
— Oh ça va Ash, c’était pour détendre l’atmosphère trop formelle de cette putain de conférence de presse.
— Ouais ça a bien détendu tout le monde.
— Qu’est-ce que tu as fait encore ? le sermonne Adriana.
Aaron sourit de fierté, alors que je réponds à notre sœur.
— Il m’a demandé si pour moi, c’était un problème d’avoir un joueur ouvertement gay dans mon équipe.
Les sourcils de ma sœur se haussent jusqu’à son front, mais je vois bien qu’elle se retient de rire. Je prends mon verre quand elle n’arrive plus à le contenir, elle a le rire contagieux et avec le recul, moi aussi je trouve ça drôle, mais sur le coup j’aurais pu étrangler mon frère.
— Tu vois Ash, y’a que toi qui ne trouves pas ça drôle !
Je repose mon verre, je tiens quand même à faire comprendre quelque chose à Aaron.
— On va passer plusieurs saisons ensemble, Aaron, si tout va bien. Alors comporte-toi en professionnel quand tu es de l’autre côté du micro et tout ira bien. Mais ne recommence pas ce qu’il s’est passé ce soir.
— Détends-toi, Ash, tu n’es pas le premier à qui je la pose cette putain de question, mais avec toi j’avoue que ça prend un autre sens.
— Tu connais la réponse en plus.
— Moi oui, mais le reste du monde ne sait pas que tu aimes autant les queues que les vagins, c’est ce qui fait que c’était drôle frangin.
— Charmant, grimace Adriana.
Aaron lui lance un sourire ravageur.
— Justement, j’aimerais bien que le reste du monde ne s’occupe pas de qui je baise.
Il perd son sourire et me regarde un peu trop sérieusement.
— Pour de vrai frangin, il reprend, savoir qu’il y a un cul qui prend des bites dans ton équipe ça ne te fait pas un peu bander ?
— Aaron !
Adriana s’indigne alors que j’explose de rire avec mon con de frère. La fatigue et les nerfs lâchent, le fait d’avoir dû garder une image parfaite toute la journée va finir par me rendre aussi stupide que lui.
Les rires se calment, nous passons commande puis nous discutons de tout et de rien. De la garde d’Adriana qui est en sixième années d’internat et du titre ridicule qu’a trouvé mon frère pour sa une de demain « Emperador[1] en marche pour conquérir le trône anglais ».
Ce surnom m’a plu à une époque, celle où j’étais ce grand joueur qui marchait sur le toit du monde footballistique. Aujourd’hui, il ressemble au surnom des vieux boxeurs, ceux qu’on retient pour leurs performances passées. J’ai été un grand joueur et je suis fier de mon parcours, seulement j’aimerais qu’on tienne plus compte de mes talents pour diriger une équipe plutôt que de me rappeler ce que je ne suis plus.
— Au fait, reprend Aaron, tu ne devrais pas être au dîner avec les dirigeants ?
Je pose ma fourchette et relève la tête de mon assiette de pâtes.
— J’ai refusé.
— T’as refusé une invitation à dîner de Jefferson King ?
— Oui.
— On peut savoir pourquoi ?
Je dévisage mon frère, je reconnais instinctivement quand le journaliste fait son retour et efface le lien fraternel qui nous unit.
— Il y avait sa famille à ce dîner, toute sa famille.
— Et alors, t’as peur de son fils ?
Je ricane en reprenant un verre de vin.
— Pas du tout, je tiens juste à rencontrer tous mes joueurs en même temps.
Aaron commence un speech sur mon manque de respect face à celui qui est venu me débaucher. Officiellement c’est la raison que j’ai donnée, officieusement je préfère être ici avec eux que là-bas à serrer des mains et me créer des relations qui n’apporteront rien à mon équipe. Je laisse au dirigeant et investisseur le soin de faire le lèche-cul pour rapporter quelques livres sterling dans les caisses du club. Ce qu’on attend de moi c’est des résultats, pas que je sorte mon plus beau sourire pour flatter des ronds de cuir qui ont toute une cour autour d’eux pour ça. Je ferai mon job comme il se doit et cette équipe remontera la pente. J’ai deux saisons pour ça et j’espère qu’à la fin de la première, on sera en bonne voie pour être en tête du classement. Je suis assez confiant et excité de commencer cette nouvelle aventure ici, à Londres, avec une équipe qui m’a fait rêver enfant, qui a une histoire riche et de belles victoires à son palmarès. J’espère être digne d’Arsenal, qu’Emperador fera partie de l’histoire du club comme étant celui qui a permis à l’équipe de sortir la tête de l’eau et pas comme celui qui l’a définitivement coulé.
[1] Emperador : Empereur en espagnol.
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