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Découverte #12 - Chapitre 1 - LEGION 1

Coucou tout le monde !

Ce soir on met à l'honneur LEGION écrit par AMHELIIE

Voici le chapitre 1 !

Le livre est dispo en papier et numérique.

Bonne lecture !




Chapitre 1

Ezra

Juin 2009

Calvi, Corse, France.

Le soleil de la Méditerranée vient caresser ma peau déjà bronzée par mon séjour à l’autre bout du monde. Les rayons de cette étoile géante sont différents sur la planète. Je sais reconnaître ceux familiers de l’île de beauté.

Chaque fois que je reviens d’un road trip pour le boulot, j’aime me prendre quelques heures encore loin de mes proches pour me retrouver, et retrouver ces lieux qui forment mon chez moi. L’eau claire de la mer, l’odeur du sud, les paysages magnifiques des montagnes qui se heurtent aux vagues, le sable blanc, fin, sous les pieds.

Rien à voir avec mon périple en pleine jungle Mexicaine.

Je fais quelques pas sur les hauteurs de la plage pour prendre un panorama avec mon appareil. En quelques clics, je pense avoir immortalisé cet instant qui ne disparaîtra pas dans l’oubli. Je laisse l’appareil glisser autour de mon cou, et cherche mon polaroid dans mon sac à dos. Je prends un cliché rapide de la même vue, la photo sort, je la récupère et secoue le papier glacé carré pour faire apparaître l’image tout en rangeant mes affaires.

Je glisse la bretelle de mon sac à dos, et reprends la montée pour aller retrouver ma voiture et rentrer chez moi. Il serait temps de revenir dans la réalité, même si celle-ci va plus ressembler à des vacances l’espace de deux semaines.

Le cliché commence à apparaître, j’ai mis du temps à manier cette capricieuse machine de photos instantanées. Très peu de personnes possèdent encore de pareils objets, le mien, j’en prends soin en plus de le traîner à l’autre bout du monde à chacune de mes excursions.

Je sens mon portable vibrer dans la poche arrière de mon short. Je le sors en rangeant la photo polaroid dans l’autre et ouvre le SMS qui vient d’arriver.

LESIA, 16 h 58 : Où es-tu ? Tu devais arriver en début d’après-midi, et toujours rien chez toi. Tu es morte ? Les Mayas ne t’ont pas libérée en fin de compte ? :D

Je souris, ma meilleure amie est aussi stressée que mon père lorsque je n’appelle pas à la seconde où je pose le pied sur le tarmac d’un aéroport.

Tout en continuant de marcher, je tape ma réponse, amusée.

MOI, 17 h 01 : Je ne serai pas en retard pour ton anniversaire rassure-toi. Je suis partie faire quelques photos à l’Alga.

La réponse ne tarde pas.

LESIA, 17 h 02 : Encore ? Mais tu as déjà photographié cette île sous toutes les coutures ! Bouge-toi les fesses, où tu seras encore en retard pour fêter MON anniversaire.

MOI, 17 h 05 : Rendez-vous à la Tour à partir de 19 heures, on se voit plus tard.

LESIA, 17 h 06 : Avec mon cadeau, tu n’oublies pas !

— Je ne suis pas près de l’oublier, je lance avec amusement.

Depuis mon départ pour Paris, puis pour le Mexique, il y a deux mois, ma meilleure amie n’a cessé de m’envoyer des mails avec un décompte de son anniversaire. On ne fête pas tous les jours vingt-trois ans visiblement. Comme si j’allais l’oublier après vingt ans à la supporter.

— Voilà une revenante !

Je sors de mes pensées en entendant un fort accent et une voix familière. Je lève les yeux de mon portable, et fais face au propriétaire de l’unique établissement sur la Plage de l’Alga. C’est un homme charmant qui fait son nid au milieu de la nature. Son bar se fond avec le paysage de la crique magnifique. Il ne laisse aucune trace de son commerce et c’est appréciable.

— Salut, José, oui je suis de retour pour quelques semaines.

Je m’approche de lui pour lui faire la bise, l’homme retire son chapeau en me saluant.

— C’est qu’elle voyage la petite, ton père doit être ravi de te revoir.

— Il faut bien.

Je secoue les épaules en souriant. Je souris toujours, tellement que ça agace mes amis de me voir respirer la joie de vivre. Je n’ai pas de raisons de tirer la gueule, j’ai une vie sympa, un job de rêve et une existence plutôt chouette, que demander de plus ? Rien. Alors offrir un sourire aux gens qui m’entourent ce n’est pas cher payé. Mon père me dit toujours qu’une femme obtient ce qu’elle veut avec un sourire qui illumine son visage charmeur. Je reconnais que cette technique m’a sortie de nombreuses fois de la galère à l’étranger.

Nous échangeons quelques banalités sur les dernières péripéties de la plage qui se prépare pour la saison, les touristes sont nombreux l’été. La demi-heure de marche ne les effraie pas… ce qui est bien dommage.

Je sors de la poche arrière de mon short le polaroid que je tends à José. Il a une magnifique collection derrière son bar signée par mes soins.

— Tiens, tu pourras la dater, « Alga, Juin 2009, Ezra n’est pas tombée ».

Le patron laisse échapper un rire, la dernière fois que je suis venue ici, j’ai terminé la tête dans le sable en trébuchant. Son fils et lui ont dû me remonter jusqu’à ma voiture.

Il m’en parle à chaque fois que je le croise, ce coup-ci, je l’ai devancé.

— Tu reviens d’où ? me questionne-t-il en me remerciant pour la photo.

— Mexique, je suis allée faire un reportage sur les cités Mayas. C’était magnifique. À l’occasion, je te montrerai le magazine dans lequel vont paraître les clichés.

— Avec plaisir.

Mon portable vibre à nouveau, c’est un appel. Ça doit être mon père qui s’inquiète de mes longues retrouvailles avec ma ville chérie.

— On se dit à bientôt, José, je repasserai sans doute avec mon père faire de la plongée, je lance pour conclure cet échange.

L’homme me fait un signe de tête, et tranquillement, je poursuis ma route en répondant enfin à mon père qui commence à râler dans sa langue maternelle que je ne connais que trop bien.

Sacré Savio, un jour, je le rendrai chèvre pour de bon.

***

Comme prévu, j’arrive en retard au bar de la Tour, lieu de rencontre qui se situe au fond du port de Calvi. L’établissement donne sur une magnifique vue de la baie. Il est juste en dessous des remparts menant à la Haute ville. La nuit est tombée depuis un moment, c’est samedi soir, alors les gens sont de sortie, que ce soit les touristes ou les locaux. Je suis rapidement passée chez moi laisser mes affaires, et retrouver mon chat Willy, que mon père a gardé durant mon absence. Il l’a déposé avant d’être appelé sur une urgence au STARESO[1]. On se verra demain matin, lorsque je viendrai sonner à sa porte avec une jolie gueule de bois pour qu’il me fasse un petit déjeuner de titan.

Comme d’habitude, ce gros matou m’a boudé, mais ça lui passera. Il est habitué à mes allées et venues, je me demande qui séjourne le plus dans la petite maison de village, lui ou moi ?

J’ai à peine eu le temps de jeter un coup d’œil à mes mails, ainsi qu’à ma corbeille de courrier qu’il était déjà l’heure de se changer pour aller rejoindre mes amis.

Normalement, j’aurais dû être à l’heure, mais en chemin, je me suis rendue compte que j’avais oublié le cadeau de Lésia, une superbe collection de têtes de mort Calaveras faites main par une Mexicaine. J’ai dû rebrousser chemin, défaire mes trois valises pour savoir dans laquelle je les avais rangées. Puis il y a eu la place de parking à trouver, j’ai tourné durant un bon quart d’heure avant de la dénicher.

Au loin, je regarde la terrasse du bar pour essayer de trouver ma bande de copains. On a tous grandi ici, à Calvi. Les quatre cents coups, nous les avons faits ensemble. Les heures de colle, l’école buissonnière, les randonnées en plein hiver, les bains de minuit arrosés sur la plage de Calvi. Nous sommes comme les cinq doigts de la main, inséparables et extrêmement taquins les uns envers les autres. Ce genre d’amitié, on en vit que très peu.

Je repère Lésia qui fait un bond en me voyant et en hurlant « la voilà enfin ! ». Je suis certaine qu’ils ont fait un pari sur mon heure d’arrivée.

Je souris en accélérant le pas pour les rejoindre. Les garçons s’échangent quelques billets, et je crois bien que Dario avait misé juste.

C’est Lésia qui m’accueille la première. Ma meilleure amie est une grande blonde aux yeux marron. On dirait une fille sortie tout droit des magazines. Le genre qui fait retourner les mecs dans la rue.

Elle me saute dessus en me serrant dans ses bras tout en exprimant sa joie de me revoir. Je me prends une ou deux réflexions sur mon retard, je la fais taire en lui fourrant mon paquet dans les mains. Le temps qu’elle l’ouvre, je m’en vais saluer le reste de la bande.

— Ez, grâce à toi, j’ai encore gagné de quoi me payer trois paquets de clopes, m’informe Dario.

Je souris en le prenant dans mes bras. Dario est l’ami dont rêvent toutes les filles. Pourquoi ? Parce qu’il est beau, intelligent et totalement gay. On peut dormir avec lui sans risquer de faire des tripotages qu’on regretterait par la suite.

Je passe une main dans ses cheveux sombres et indisciplinés, l’homme au teint mat essaie de me claquer les cuisses pour que j’arrête, mais je le fuis en riant. J’adore l’embêter.

Je salue ensuite Andrews, le plus discret de la bande, et Morgane la plus timide, mais pas après trois mojitos et deux blagues sur les blondes.

— Oh, mon dieu Ez, c’est magnifique ! déclare Lésia en regardant son cadeau.

Elle adore les têtes de morts. Tellement qu’une nuit lorsque nous étions sur Paris pour une photo shoot, elle s’est fait tatouer sur la fesse droite une tête de mort punk. Je me souviendrai toujours la tête qu’elle a tirée sous la douleur et sa réaction le matin, une fois l’alcool évaporé.

Lésia me remercie en exprimant sa joie, mais mon retard n’en est pas oublié pour autant.

— Ez, tu payes la prochaine tournée étant donné que tu ne sais pas lire l’heure, déclare-t-elle en regagnant sa place.

Je lève les yeux au ciel en souriant. J’ai l’habitude de payer les tournées lors de nos soirées, pour deux raisons : je suis toujours en retard, et je perds toujours les paris. Mais par-dessus tout, je suis celle qui se ramasse le plus de sifflements lorsque Francesco fait sa nuit karaoké. Un drame lorsqu’on est la fille d’un ténor corse.

— Bon, puisque je suis Crésus ce soir, qui veut boire quoi ? je les interroge.

— Une bière, lance Dario.

— Un Mojito, répond à son tour Lésia.

— Deux mojitos, renchérit Morgane en terminant celui qu’elle a déjà devant elle.

— Un whisky, me demande Andrew.

— OK, et une bière pour moi, je conclus en contournant le tabouret de Dario.

Mes amis reprennent leur conversation pendant que je me faufile à l’intérieur du bar où la musique d’ambiance vibre déjà. Ce n’est pas l’heure pour activer le dance floor, mais le son qui résonne dans le bar donne toujours envie de remuer son corps.

Je remarque qu’il y a du monde pour les commandes, il va falloir que je m’y fasse, je reviens pour l’été cette année, d’habitude, j’essaie de fuir les touristes, mais ma mission en Chine a été reportée. Je l’ai appris tout à l’heure en lisant le mail de mon patron du magazine de voyage.

— Francesco, me voilà ! je lance d’une voix claire et audible en arrivant dans un coin stratégique du bar.

Je sais que les deux serveurs et le patron m’ont entendue. Il faut dire que nous sommes des habitués de longue date ici.

Le lieu n’a pas changé depuis que je le fréquente. Il y a toujours ce bleu qui domine en terrasse, la devanture couleur marine avec écrit en lettres blanches le nom de l’établissement. L’intérieur en style brut et un peu vieux, rend l’atmosphère authentique. Seul l’immense bar est illuminé par des LED neuves. Sans oublier la piste de danse à droite de la pièce où sont les musiciens.

Francesco, le patron arrive à ma hauteur, un torchon à la main. C’est un homme très charmant, la cinquantaine à la voix légèrement cassée. Il se penche pour que je puisse lui faire la bise.

— Toujours aussi rayonnante Ezra, c’est un plaisir de te revoir.

Je lui lance un clin d’œil complice en répondant de même.

— Ce sera quoi pour toi ?

— Deux mojitos, deux bières et un whisky, mais mets plus de glaçons, je doute qu’Andrew ait fait une nuit de plus de trois heures à l’hôpital, j’annonce.

Le patron acquiesce également dans un clin d’œil complice et se met au travail.

J’attends patiemment au bar en écoutant le groupe de musique corse que Francesco autorise à se produire quelques heures un samedi sur deux. Le musicien gratte sur sa guitare un des futurs tubes de l’été 2009.

Mon corps ondule lascivement au rythme des paroles entraînantes. Je tape du pied avec ma Tropézienne en regardant les serveurs s’activer, puis je sens comme un regard sur moi qui me pousse à jeter un coup d’œil par-dessus mon épaule, sur ma gauche.

Et je le vois, à l’autre bout du bar, dans l’autre branche qui forme le U de ce dernier. Ce sont d’abord ses magnifiques yeux marrons qui attirent mon attention, suivis de son sourire rempli de malice. L’homme me dévisage avec attention d’un air lubrique et plutôt intéressé qui me fait… rougir.

Je ne remarque pas tout de suite ce qui saute aux yeux, non, je suis trop occupée par les siens et cette sensation étrange au creux de ma poitrine. Mon cœur s’emballe sous un simple sourire. Mais quel sourire.

Je sors de mes pensées en entendant le bruit du verre froid qu’on pose sur le bar. Je me tourne, quittant ce duel silencieux avec Beaux Yeux.

— C’est pour toi, déclare Pablo l’un des fils de Francesco.

Il dépose devant moi une bière. Je la regarde, intriguée.

— Et le reste ? je lance avec humour, tu crois qu’on va partager ?

Le serveur se penche vers moi en faisant mine d’essuyer le plan de travail. D’un coup de tête, il me montre l’individu que je dévisageais il y a un instant.

— Je crois que t’as tapé dans l’œil de ces messieurs les légionnaires, Ezra. C’est de sa part.

Je me tourne de nouveau vers l’homme en question que je scrute avec attention. C’est celui qui me sourit. Effectivement ainsi que ses deux copains, ils portent une tenue que tous Calvais et Calvaises connaissent. Je remarque le képi blanc tenu sous leur bras, la chemise beige claire, et le pantalon gris. L’allure impeccable et les cheveux courts.

Beaux Yeux est un Légionnaire.

Voilà qui promet d’être intéressant.

[1] NDT : « Station de recherches sous-marines et océanographiques de Calvi. »


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