top of page
Photo du rédacteurAmheliie&Maryrhage

Découverte #12 - Chapitre 1 - HORS JEU

Coucou tout le monde !

Ce soir on met à l'honneur HORS JEU écrit par AMHELIIE & MARYRHAGE.

Voici le chapitre 1 !

Le livre est dispo en papier et numérique.

Bonne lecture !



1 Champion !

Wade

L’entrée est encore bloquée. J’attends calmement, je suis plutôt du genre très patient avec eux. Après tout, c’est grâce à leur soutien que je suis là où j’en suis, je n’ai pas à faire le difficile. Je souris en voyant Scott, le gardien du centre, qui tente d’écarter la foule pour que je puisse accéder au parking, mais la vingtaine de supporters lui rend la tâche difficile. J’avance doucement, en donnant de légers coups sur l’accélérateur de ma Maserati. Il ne manquerait plus que j’écrase un gosse. Je jette un coup d’œil à l’horloge sur le tableau de bord. Dix heures moins vingt, je suis en retard. Mais qui ne l’est pas ? On ne commence jamais l’entraînement à l’heure de toute façon. Et puis, étant donné la place que j’occupe, mis à part une petite réflexion, je n’aurai pas droit à un gros sermon, ça ne servirait à rien, je continuerais à être en retard. C’est un fait. J’ai du mal avec les horaires. Je suis un peu lessivé. La nuit a été courte, j’aurais dû dormir davantage, j’étais… un peu occupé. Mais ça, personne n’a à savoir à quoi exactement. Dix minutes plus tard, j’accède enfin au parking du club. Je me gare au bout, à côté de la toute nouvelle Porsche grise de Shaun.

8

Je vois qu’il a profité de la prime de début de saison. Qu’est-ce qu’il peut jeter comme fric par les fenêtres, c’est impressionnant ! Je coupe le moteur, éteins la radio, saisis ma sacoche et glisse mes lunettes de soleil sur mon nez. C’est idiot. J’ai l’air d’un idiot, comme les trois quarts de notre équipe, surtout qu’en Angleterre, le soleil ce n’est pas notre principale marque de fabrique. Mais ça « donne un genre » alors puisque l’image compte plus que tout dans mon milieu, je fais cela, je me donne un « genre ». Et quel genre ! Un grand blond, les yeux gris – qu’on ne voit pas à travers les verres teintés, logique –, un genre de crête sur la tête, au look « jeune sportif qui a du goût et qui ne met pratiquement jamais de survêtement ». J’ai abandonné les casquettes il y a six mois, lorsque j’ai commencé à faire mon « relevé de cheveux ». J’ai dû lancer une mode chez les fans, car je croise beaucoup de jeunes qui ont la même coupe. Non, franchement, si je devais me reconvertir, je tenterais d’être une icône de mode, j’aurais un avenir, c’est certain ! Je sors de la voiture, sourire aux lèvres, sous les cris des fans. Scott, à l’entrée, tente d’ouvrir à nouveau le portail pour laisser passer un autre retardataire, qui, lui, se fera forcément engueuler. Je prends mon temps en allant chercher mon sac de sport. Il commence à faire frais en ce mois d’octobre. J’enfile ma veste à capuche, et passe mes affaires sur l’épaule avant de fermer la voiture et de me diriger vers le grillage. J’affiche mon sourire « pour les photos » en arrivant devant les supporters. Il n’y a pas foule pour un lundi matin, les supporters reprennent le boulot comme nous, mais certains sont présents et je peux me permettre de prendre un quart d’heure supplémentaire sur mon retard pour passer un moment avec eux. Je connais beaucoup de mecs qui sont présents presque tous les jours au centre d’entraînement. Ce sont des fidèles depuis des années, la plupart m’ont vu évoluer, ils sont mes premiers fans.

9

C’est important de prendre du temps pour eux, parce que sans leur soutien, je ne serais pas Wade Perkins, image du club de Manchester depuis plus de dix ans. Ma tête est partout, tout le monde me connaît, je participe à de nombreuses actions dans le pays. Je ne passe plus inaperçu dans la rue depuis longtemps. — Perkins ! — Wade ! Un autographe ! Je saisis à travers le grillage un maillot de Manchester à mon nom qu’on me tend, je porte le numéro 8. Comme toujours, j’ai ce petit truc au cœur lorsque je le vois. Je suis fier de ma réussite. — À quel nom ? je demande au type qui m’a tendu son maillot. J’entends une ou deux filles pousser un long soupir. Ça m’amuse de les voir toutes porter mon maillot, je sais qu’il n’y en a pas beaucoup qui sont vraiment là parce qu’elles aiment le foot, certaines sont aussi fans que les mecs, d’autres n’en ont rien à faire, elles doivent à peine comprendre les règles et font juste ça pour plaire, à moi, ou au voisin de classe. C’est mignon, ça m’amuse, ça rapporte au club, et le principal est que tout le monde y trouve son compte. — Pour Brian. J’étale le maillot sur mon avant-bras et signe au dos, sur le 8, là où l’autographe ressortira le mieux. Je viens de faire un heureux. — Merci ! Super match, samedi, au fait. — Merci. Je leur fais un signe de la tête. Ouais, samedi, c’était un super match, une victoire à l’extérieur contre les Scousers 1, trois points, trois buts, dont un du pied gauche, je suis content. On est deuxièmes dans le classement, c’est parfait. Je signe des maillots, des images de ma dernière pub, et prends plusieurs photos qui vont se retrouver dans les dix prochaines minutes sur Facebook, Instagram et Twitter. J’ai

1. Les Scousers : surnom d’une équipe de football basée à Liverpool. (NdA)

10

presque fini de satisfaire tous les supporters présents lorsqu’on m’interpelle une fois de plus. Je vais tenter de faire vite, parce que je commence à être vraiment en retard. — Hey, Wade. Les deux filles de tout à l’heure. Elles se mettent à glousser quand je m’approche d’elles. Je ne dis rien, je ne montre pas qu’à la longue, ces comportements de gamines m’insupportent. — Salut, les filles… Photo ? Maillot ? L’une des deux sourit et me tend une feuille pliée en deux. — Non, numéro. Ah, numéro. Je fronce les sourcils pour mieux les regarder, je viens d’avoir vingt-neuf ans, et elles… n’ont pas l’air d’être plus âgées que des lycéennes à peine majeures. Je ne dis rien de plus, je les salue et pars en direction de l’entrée du centre. Le nom du club est écrit en gros sous le logo à côté du drapeau du pays. Non, mais n’importe quoi ! J’ai beau entretenir mon image de tombeur, je ne couche pas avec des minettes de dix-sept ans. Il y a trop de footeux qui ont des emmerdes après et franchement, à mon âge, les cahiers d’école ne m’intéressent plus. Ils ne m’intéressaient déjà pas quand j’y étais moi-même, à vrai dire. De plus, j’ai largement de quoi m’envoyer en l’air sans me rabattre sur ça. À l’entrée, je croise plusieurs membres du staff et de la direction, je leur serre rapidement la main et en profite pour jeter le numéro de téléphone de la fille. Je soupire d’aise en entrant dans le hall chauffé. Tout est d’un luxe incroyable, le club a de l’argent et il le montre. — Merde ! Dix heures trente à l’horloge murale. Je suis vraiment à la bourre. C’est limite pour un capitaine. J’accélère le pas en traversant l’aile droite du bâtiment, là où se trouvent les vestiaires et l’accès au terrain. Le centre

11

d’entraînement est à quelques rues du stade où on joue en compétition. C’est plus calme, moins grand, et il y a la direction. Je marche dans le long couloir où trônent les photos des plus grands joueurs du club ; il y a la mienne en plusieurs exemplaires. Je m’arrête quelques instants devant la plus ancienne, celle qu’on a prise lorsque j’avais quinze ans. Je suis un enfant du club, j’ai été formé ici, j’ai grandi entre ces murs, dans le centre de formation, avec d’autres joueurs, des copains qui à présent se sont éparpillés dans d’autres clubs d’Europe. Ce sont des stars aussi, comme moi, de très bons joueurs. À la différence d’eux, je suis resté. Je sais que j’ai fait le bon choix. Et même si les offres pleuvent à l’étranger, je reste. J’ai fait toute ma carrière dans ce club, je la finirai ici. Pourquoi partir quand on a tout chez soi, et prendre le risque de tout perdre ? J’arrive devant la porte close des vestiaires d’où sortent des rires et des morceaux de discussion. Je pense que l’équipe entière est là. J’ouvre et entre, accueilli par l’odeur de déodorant et de Javel. Le cocktail qui nous met direct de bonne humeur… comme les hurlements matinaux des gamins de l’équipe. Ils ont en moyenne vingt-cinq à trente ans et l’âge mental de gosses de douze. Ils ne dorent pas le blason des footeux, normal qu’on nous prenne pour des débiles. Certains le sont, pas tous, mais beaucoup. — Putain, c’est quoi ce bordel ? Je gueule et tout le monde se tait. Lentement, je retire mes lunettes. Les lumières au plafond m’aveuglent un peu, ouais, je n’ai vraiment pas beaucoup dormi pour être si… irritable. Je suis patient, mais je sais être chiant, et en tant que capitaine, je vais devoir l’être. — Le champion est arrivé, il se fait désirer comme d’habitude.

12

Shaun, mort de rire, debout en tenue d’entraînement. C’est un gamin, un petit brun aux cheveux en bataille. Il se tourne vers moi et me fixe intensément. Il fait sa « cour » à ses deux poules, je dévisage Garret qui s’étouffe dans sa barbe de trois jours. — Oh, mais c’est qu’il a des petits yeux, le champion ! Oh, mais c’est qu’il est royalement con ! Et visiblement en forme, ce matin. Je jette un coup d’œil aux autres membres, ils sont en train de se changer, le vestiaire est dans un foutoir monstre comme d’habitude. Tout traîne par terre, y a pas à dire, on est bordéliques. Je foudroie Garret du regard et finis par me diriger vers l’espace qui m’est réservé. James, le numéro 5, est là. Je le connais depuis bientôt cinq ans, il vient de Londres. C’est un mec génial, posé, amusant, qui ne se prend pas la tête, avec une once d’intelligence, qui sait quand il faut plaisanter et quand il faut s’arrêter. C’est un milieu droit, il joue souvent à côté de moi et on s’entend bien. C’est un bon élément, voire indispensable. Lui au moins ne se la pète pas, tandis que Shaun, du haut de ses vingt et un ans – autant dire un bébé dans notre monde – n’arrête pas. C’est du constant, il aime se faire voir, il aime se la jouer, c’est tout à fait le genre d’imbécile qui n’hésiterait pas deux secondes à sauter une minette qui lui ouvrirait les cuisses. Attention, je ne dis pas toujours non aux plans comme ça. Mais je ne manque jamais de réfléchir aux conséquences, surtout que dans mon cas, tout ce que je fais doit être calculé au millimètre près. Parce que si je merde, je peux tout foutre en l’air. Je suis trop connu, trop épié, aimé, adulé et surveillé. La poisse, des fois ! — Salut vieux, lance James en me tendant son poing. Je fais un check avec lui, et m’assois à ma place. Je m’étire et en profite pour regarder le nombre de présents. Il va falloir faire un débriefing du dernier match, je dois d’abord voir le coach pour qu’on en discute, j’ignore

13

si on commence par le visionnage de la vidéo du match ou l’entraînement, je vais me changer et on verra après. Je vois vingt mecs, il en manque deux si je ne compte pas les trois blessés. Je m’entends bien avec tout le monde, plus particulièrement avec James, Clay, ou Ben, Maxime aussi, même Dario, le Brésilien. Mais depuis deux ans, depuis que Shaun et sa petite bande ont débarqué du centre de formation, c’est une autre histoire. Ils sont jeunes, inexpérimentés, chiants, et le fric leur monte à la tête trop rapidement. Ils pensent être les prochains messies… Tant mieux, c’est beau de rêver et d’avoir de l’ambition, il faut juste suivre et avoir le niveau, et à leur stade, ils en sont encore loin. Mais ils sont aimés, idolâtrés parce qu’ils sont jeunes et « nouveaux », sauf que leur comportement fera vite changer d’avis les supporters. Ce n’est qu’une question de temps et de faux pas. Le foot, c’est ça en Angleterre, on devient de véritables stars, que ce soit par les journaux ou les fans, on peut être aimés autant que la reine d’Angleterre un jour et, le lendemain, devenir un paria. L’erreur peut être irréversible et c’est pour ça qu’on doit avoir un comportement exemplaire. Je sors mes affaires de mon sac quand mon téléphone sonne. J’ai oublié de le mettre en mode silencieux. — À mon avis, il a fait mumuse cette nuit, et la nana en redemande. C’est Falk qui a parlé, un des deux copains de Shaun. Il a dix-huit ans, il vient d’Allemagne, et n’a aucun neurone encore valide, si ce n’est les quelques qu’il lui reste entre les jambes, le débile type : bon que sur le terrain, et encore ! — À mon avis aussi ! Avec une des deux nanas qui l’ont branché samedi, voire les deux… (Shaun se tourne vers moi pour avoir mon soutien.) Alors, une ou deux ? Je retire mon tee-shirt et je ne réponds pas, juste pour le plaisir de le faire chier. Je sais que ma réputation de tombeur,

14

il en rêve. Je maintiens le mystère, et ça va l’énerver, comme il est en train de m’énerver. — Lâche-le, Shaun ! Il est où, le respect pour ton capitaine ? Tu n’es qu’un fœtus ici et tu l’ouvres beaucoup trop pour un lundi, alors ferme ta gueule, ne sois pas jaloux. Il n’a pas de problème pour trouver quelqu’un avec qui baiser, et alors ? Tu es tellement en manque que tu as envie qu’il t’honore ? Dieu merci, on a inventé Clay ! L’équipe se met à rire, et se fout royalement du joueur qui tentait de faire le beau en me cassant les pieds. Bien fait ! Je ne dis rien, même si mon rôle est de maintenir une ambiance convenable, il l’a bien cherchée, celle-là ! Clay est notre gardien, le plus vieux de l’équipe, il est en fin de carrière, trente-sept ans, père de trois enfants, trois garçons. C’est l’homme le plus droit et fiable que je connaisse. C’est celui que je connais le mieux d’ailleurs. Je le remercie d’un signe de tête, je ne suis pas bavard, le lundi, j’aurais préféré rester dans mon lit une heure ou deux de plus, surtout après la nuit que j’ai eue. Clay savoure le regard dégoûté du gosse. Il renchérit même, et je le laisse faire en sortant mes crampons et mes protègetibias, mais après celle-là, je calmerai les choses. — Ah, sauf que ce n’est pas Wade qui se taperait des mecs, lui c’est un mâle, un vrai, bordel ! (Tout le monde applaudit, rit, acquiesce.) Quoique… je suis sûr que tu dois en faire fantasmer plus d’un. Je souris, je ne relève pas. D’ailleurs, on va vite changer de sujet avant que ça devienne gênant et que je commence à montrer des signes de stress. Parler de mes prétendues « conquêtes », aucun problème. Je sais mentir à ce sujet, et puis j’ai tellement de propositions que personne n’y fait trop attention. Par contre, le sujet que Clay aborde m’est plus sensible, certains sont à éviter parce qu’ils nous mettent mal à l’aise.

15

Je me surprends à trembler. Merde ! Pourquoi est-ce qu’aujourd’hui je suis… si sensible à ce genre de remarques ? J’aurais dû dormir ! — Manquerait plus que ça : des pédés dans une équipe de foot ! s’exclame Shaun. Je le dévisage. C’est le moment de se montrer ferme. Il me gonfle sévèrement avec ses propos. Je me lève, j’entends un silence de mort autour de moi, ceux qui me connaissent savent qu’à ce stade, Shaun a plutôt intérêt à se calmer. Pourtant, je lui réponds d’une voix calme, mais autoritaire. — Ah bon, parce que tu n’en es pas un, toi ? Je suis surpris, franchement, avec tes réflexions de gonzesse, on pensait le contraire ! La porte s’ouvre en grand et Lionel, notre kiné, passe la tête à travers. — Wade ! Je lève le regard vers lui. — Oui, Lionel ? — Le coach t’appelle, dans son bureau. — D’accord. Je prends mon portable et sors du vestiaire. À la porte, je fais volte-face et pointe du doigt Shaun, qui est retourné s’asseoir, vexé. — Calme-toi avec tes propos, Shaun, sinon, je m’occupe de ton cas. Le petit con reste en suspens. Je sors et préfère mettre mon ouïe en sourdine, pour éviter d’entendre quelque chose qui me ferait péter un câble. Torse nu, offert à tous les regards, je croise une des femmes de ménage, qui ne reste pas indifférente à mon corps de sportif tatoué. Je lui souris lorsque je la vois rougir. Certaines femmes sont timides, ça a un côté attendrissant, presque sexy. Je frappe une fois arrivé devant la porte du bureau de l’entraîneur. Sur la vitre teintée, il y a écrit son nom : « Entraîneur William Carter ». Je préfère coach ou C, mais c’est pour les intimes.

16

De plus, il n’a pas la tête de quelqu’un qui doit s’appeler William. Il a la cinquantaine, un peu de ventre, le crâne rasé, et laisse souvent sa barbe pousser. Il est un père pour nous tous, un exemple, et il inspire le respect avec son regard noir. J’ouvre la porte et glisse la tête par l’entrebâillement. — Coach ? — Wade, entre. La pièce est remplie de photographies, de maillots signés, d’objets divers. Lui est assis derrière son grand bureau, il porte ses lunettes et a le nez dans des papiers qui ressemblent à des feuilles de match, de statistiques et de pronostics, le genre de paperasse qui fout la migraine. Il me fait signe de venir m’asseoir dans l’un des deux fauteuils face à lui. Je m’exécute sans discuter, parce qu’on ne discute pas les ordres du coach, première règle. Une fois que j’ai posé mon postérieur sur le siège, C soupire et se lance en jouant avec son stylo. — Week-end agréable ? — Oui et vous ? — Une victoire, parfaite… Bon, on ne va pas parler maintenant du match. Je t’ai convoqué pour autre chose. Autre chose ? Je l’interroge du regard pour lui dire de poursuivre. Dans ma main, mon téléphone se met à vibrer, je coupe l’appel. Plus tard. — Voilà, il va y avoir une nouvelle recrue. Le transfert est discret, il a déjà eu lieu. Un transfert à cette époque ? Hors mercato 1 ? Glauque, cette histoire. — Coach ? — Oui, Wade ? — Pourquoi on transfère ce mec maintenant ? Mon coach pose son stylo et me regarde longuement.

1. Période où se déroulent les transferts des joueurs. (NdA)

17

— Wade, tu sais bien que je te dis toujours tout. Je ne devrais pas, et là, ce n’est pas à moi de te dire pourquoi ce joueur nous rejoint maintenant. Le club a eu une proposition, un prêt, pour une somme très raisonnable compte tenu du joueur qu’est Jones. Je n’allais pas refuser. À vrai dire, je me fous de savoir pourquoi il quitte son équipe puisqu’il rejoint la mienne. Jones… je réfléchis, y a beaucoup de Jones dans les équipes européennes. Je ne sais même pas de quel pays celui-là nous arrive. Ça va être la grosse surprise. Une bonne, j’espère. — Bref, il arrive mercredi, reprend C. Je veux que tu t’occupes de lui, il va remplacer Yoann, puisqu’il est blessé et out pour le reste de la saison. J’allais te l’annoncer. Ah, ça y est, c’est tombé, le résultat de ses examens. J’ai les boules pour lui, on s’entendait bien, c’était un très bon attaquant. Il va nous manquer, il va me manquer sur le terrain. J’espère que ce « Jones » sera à la hauteur. — Il est bon ? C me foudroie du regard, il déteste quand quelqu’un doute de ses capacités de jugement concernant une recrue, ce mec a l’œil, il m’a donné ma chance à quinze ans alors que personne ne croyait en moi. Cet homme est un génie du football européen. — Qui ça ? Jones ? À ton avis ? Si je le mets à la place de Yoann, c’est qu’il l’est. Il va être le nouveau buteur du club et tu es le capitaine, je veux que tu le fasses s’intégrer, que tu lui expliques comment nous marchons… — Les trucs habituels avec un nouveau, quoi ? — Voilà. Merci, Wade. — C’est normal, coach. Nous nous regardons, et je le vois froncer les sourcils. Il a dû remarquer ma tête fatiguée. J’en profite pour me lever et interrompre son analyse. Pas envie de recevoir un sermon… Quoique, il ne m’en ferait pas, à moi. On ne me dit jamais rien. — Je vais aller finir de me changer.

18

— Oui, on est à la bourre, et dis aux mecs de me rejoindre dans la salle de projection. On ira courir après. Génial, je vais pouvoir finir ma nuit. Je hoche la tête et sors du bureau. Cool, une nouvelle recrue, j’espère vraiment que ce n’est pas un boulet ni un mec à embrouilles, Shaun me suffit ! En tout cas, ce mec va avoir une sacrée pression sur les épaules. Je sors mon portable pour voir qui m’a appelé ; c’est ma sœur qui a tenté de me joindre, elle m’a laissé un message. Je décide de prendre deux minutes et d’écouter ce qu’elle m’a dit, c’est peut-être important. Avec elle, je ne peux jamais savoir à l’avance. « Salut, WADE. » Je fronce les sourcils. Quand elle dit mon prénom sur ce ton, ce n’est jamais bon signe. « C’était pour t’informer que ton plan cul a bien quitté ton appartement ! Et comment je le sais ? Parce que je l’ai trouvé chez toi ! Espèce d’idiot, tu devrais faire plus attention ! Heureusement que je suis passée et qu’on a pu sortir ensemble, tu imagines les soupçons ? J’ai même dû lui rouler un patin et lui filer un billet ! Là, tu as merdé, il y avait des photographes quand je suis sortie, en plus ! Tu papillonnes ! Ce n’est pas comme ça que tu réussiras à garder ta sexualité secrète ! De plus, ce mec était vraiment très moche ! Bah ! Tu étais désespéré ? » Je ferme les yeux et me mets à jurer. Merde ! J’écoute la fin du message en me maudissant. Quel con, qu’est-ce qui m’a pris de ne pas le virer, ce matin ? Je n’en sais rien ! Mais j’aurais pu faire éclater des dizaines de rumeurs pour lesquelles j’aurais eu du mal à m’expliquer. Je fais un sans-faute depuis plus de dix ans. Aux yeux de tous, je suis le gendre parfait, le beau gosse qui réussit dans tout et partout. Je suis l’image qu’on me donne, mais je ne suis pas moi, en réalité. Je me cache derrière le masque d’un tombeur de minettes.

19

Je raccroche et entre dans le vestiaire pour me changer complètement. Il va falloir que je fasse plus attention. Normalement, je ne devrais pas avoir de problèmes cette fois-ci. Ma sœur est mon agent, elle va surveiller la presse… ça devrait aller… Ouais, pas facile d’être gay dans ma position, pas facile du tout.



17 vues0 commentaire

Comments


bottom of page