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Découverte #10 - Chapitre 1 VELVET LOVE

Coucou tout le monde !

Ce soir on met à l'honneur VELVET LOVE écrit par MARYRHAGE.

Voici le chapitre 1 !

Le livre est dispo en papier et numérique.

Bonne lecture !





Chapitre 1

Je me laisse tomber sur le banc en soupirant quand mes fesses touchent enfin le métal froid. Tant pis, je crois que je préfère engourdir mon cul que supporter un pas de plus dans ces chaussures. Qui peut être stupide au point de mettre des talons pour aller faire ses courses de Noël ? Moi, évidemment. Des talons… je ne mets jamais de talons, alors pourquoi aujourd’hui ? Un jour je tenterai de me comprendre, pour le moment je vais seulement enlever ces foutues chaussures. Je jette un œil autour de moi, le parc est pratiquement désert à cette heure-ci et en cette saison. Dans moins d’une heure il fera nuit et personne ne souhaite s’attarder sur des bancs glacés, à part moi. Il y a une jeune femme aussi à ma gauche, près de la fontaine éteinte, qui fait les cent pas. Je regarde ses pieds chaussés dans une paire de bottes, au chaud et certainement plus à l’aise que moi. Je ferme les yeux en poussant un gémissement de bien-être quand mes pieds finissent de s’extirper de mes bottines. Mon dieu, je ne pourrai sûrement plus rentrer à l’intérieur de ces chaussures, mais le froid qui vient frapper mes voûtes plantaires épuisées me fait un bien fou. Je m’étale sur le banc, mes paquets à côté de moi, je détends mes orteils en regardant la jeune femme qui n’en finit pas de faire les cent pas.

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Elle est jolie, avec ses longs cheveux blonds qui encadrent un visage angélique et doux. Mes yeux glissent sur son corps et détaillent chacune de ses courbes. Je me fais hurler moi-même à me comporter comme un homme, à déchiffrer l’anatomie de cette femme qui ne demande rien à personne, mais c’est plus fort que moi, je dois regarder. Je dois comparer et jalouser. En l’occurrence, elle est loin des mannequins anorexiques, elle est ce que la société traite de ronde, mais pour moi elle est ce que je qualifie de femme tout simplement. Elle a des formes, des hanches rondes ce qui accentue la finesse de sa taille, là où moi j’ai deux bourrelets qui ne demandent qu’à se montrer. Elle a un popotin qui ne passe pas inaperçu, moi mon cul est aussi large que plat, quant à ses seins ils ont l’air en osmose avec le reste de son corps, alors que les miens ressemblent à deux poires. Je gémis en posant mes pieds sur le sol froid, cette femme a un corps harmonieux, de belles rondeurs alors que moi je suis grosse tout simplement. La génétique, la chance, tout ça parfois c’est quand même la merde. Elle, elle a tiré le numéro femme pulpeuse, moi j’ai tiré femme grosse. Elle s’arrête de marcher, je vois sa bouche fardée d’un rouge carmin s’étirer en un immense sourire et le prince charmant fait son entrée dans le parc. Je lève les yeux au ciel en les voyant se retrouver. Je pense que j’ai de la chance que ce soit l’hiver sinon il aurait fallu vider la fontaine pour les éteindre. Prince charmant finit par prendre sa princesse par l’épaule et l’entraîne vers la sortie. Je me retrouve seule avec mes chaussures qui me font mal, mes paquets et le froid qui a fini de congeler mes fesses. Un coup d’œil à ma montre, comme si j’avais autre chose à faire que rentrer chez moi, mais ce n’est pas l’heure qui me fait bouger, c’est simplement le froid. Je remets mes chaussures en couinant à chaque fois qu’un de mes orteils entre en collision avec le cuir.

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Si j’arrive à faire trois pas j’aurai de la chance, alors faire les deux cent mètres qui me séparent de mon immeuble me paraît être insurmontable. Une fois les objets de torture remis à mes pieds, je me lève en retenant les larmes de douleur qui menacent de sortir et récupère mes paquets. Je fais un pas, puis deux, dans une démarche qui oscille entre celle du canard et du serpent. Lever les pieds me fait trop mal mais avancer sans le faire, c’est stagner.

Je sors du parc en maudissant Holly et ses bons conseils « mais si, tu verras, les talons ça te mincira. » Peut-être que je parais cent grammes de moins juchée sur sept centimètres de talons, mais je ressemble quand même à une dinde. J’avance à la vitesse d’un escargot alors que tout le monde se précipite autour de moi. J’aime l’hiver, j’aime la nuit qui tombe tôt, le froid qui m’oblige à me cacher sous un gros manteau, les rues désertes hormis en périodes de Noël, les décorations, l’ambiance de fête, les feux de cheminées, et le chocolat chaud. L’hiver est ma saison. J’arrive enfin en vue de mon immeuble quand je percute que j’ai un poisson rouge qui n’a pas mangé depuis une semaine. Je grogne en bifurquant sur ma gauche pour aller à la superette du coin de ma rue. J’avance, concentrée sur mes pas en me maudissant de ne pas y avoir pensé au moment où il y avait tellement de magasins autour de moi que je ne savais plus où donner de la tête. Mais je me vengerai en faisant le plein de sucreries. J’emprunte la petite pente qui mène au magasin puis au lieu de s’ouvrir les portes restent closes et je m’écrase de bon cœur la face dessus. Je recule, sonnée, en frottant mon front. Je regarde à l’intérieur mais ça n’a pas l’air fermé, il y a de la lumière et normalement madame Gisèle reste ouvert jusqu'à plus de vingt-deux heures. J’avance d’un pas pour déclencher l‘ouverture des portes mais rien ne se passe.

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Je frotte mon front en rebroussant chemin, en pensant que mon poisson survivra bien un jour de plus quand un homme fait son apparition derrière les portes. Ces dernières s’ouvrent et je reste dehors à regarder l’ouvreur. — Salut, dit-il, désolé les portes ont un souci aujourd’hui, elles ne veulent pas s’ouvrir de l’extérieur. Je passe une main sur mon front en espérant cacher la bosse qui a l’air de s’y former vu comment il me regarde. — Le précédent client est parti dans une ambulance, dit-il en me lançant un clin d’œil. Il n’aurait plus manqué que ça, que je termine aux urgences à cause d’une foutue porte. L’ouvreur se recule comme pour me laisser passer, je dois être sacrément sonnée par ce coup sur ma tête puisque je ne bouge pas. Je l’observe me sourire en fronçant les sourcils. — Vous entrez ? Les sourcils ça peut être beau ? Parce que je trouve les siens parfaits. Pas trop fournis et en même temps assez foncés pour rendre son regard intense. Je me demande à quoi ressemblent les miens avec ma bosse au milieu. — Madame ? Je classe l’ouvreur de porte dans la catégorie Petit Con à m’appeler madame, alors que je n’ai pas vingt-cinq ans, que je ne suis ni mariée, ni mère. Je fais un pas qui me rappelle quelles chaussures je porte. Je réprime un gémissement de douleur en entrant dans le magasin. Je double l’ouvreur de porte, assaillie par la chaleur du lieu, qui même sans être trop élevée est plus chaude que dehors et par un parfum frais et envoûtant qui émane du Petit Con. J’avance dans le magasin et part chercher de quoi nourrir mon poisson. Je déambule dans le magasin en me demandant de quoi j’ai envie, de sucré ou de salé ? De gâteaux, de chocolat ou bien

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d’un bon plat bien gras et lourd qui me calera pour dix ans ? C’est à dire jusqu'à demain matin dans mon cas. Chocolat. Je me traîne jusqu’au rayon sucreries, celui où le Petit Con est en train de mettre des produits en place. Je me tourne vers le pan de rayon où il n’est pas. Je l’entends siffler en faisant son boulot, et je jette un œil à ce que je peux voir de lui d’ici. En gros ses fesses, vu qu’il est penché sur le bas du rayon. Mes sourcils -beaux ou moches, je n’ai pas encore décidé- se hissent sur ma bosse, en voyant les deux globes ronds moulés dans un jean élimé. Petit Con a un cul d’enfer. Il se redresse un carton vide dans les mains qu’il déplie. Je mate son dos où les muscles se tendent sous son t-shirt aussi moulant que son jean, sa nuque couverte de cheveux bruns en bataille et le sommet de son crâne qui me fait lever la tête. Grand et bien foutu. Il n’a peut-être pas tout perdu à la loterie génétique. Il se tourne vers moi, un sourire éblouissant se dessine sur son visage et je détourne le regard en rougissant sur les bonbons devant moi. Petit Con est plutôt pas mal en fait. Ce n’est pas le genre gravure de mode, mais c’est quand même un beau spécimen dans le genre brun ténébreux. Je sens qu’il me regarde alors que je tente de trouver un paquet de bonbons à mon goût. Je ne suis pas vraiment bonbons, je suis chocolat, ceux qui sont là où il a décidé de rester. — Je peux vous aider peut-être ? — À choisir entre les fraises et les crocodiles ? Je l’entends ricaner entre deux bruits de cartons puis le silence revient. Je me rends compte que je ne vais pas pouvoir acheter quoi que ce soit. Déjà parce qu’il est au mauvais endroit et ensuite, parce que je ne peux pas aller payer pour ça. Impossible que je montre à un homme que la grosse n’est pas grosse pour rien, que c’est parce qu’elle se goinfre à longueur de journée.

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Je déglutis et sort du rayon aussi vite que mes tortionnaires de chaussures me le permettent pour rejoindre la caisse. Petit Con me rejoint après avoir plié son énième carton. — Où est madame Gisèle ? je demande en posant la nourriture pour poisson sur le tapis. — En vacances. Il prend mon article qu’il inspecte sous toutes les coutures. — Poisson rouge ? — Non, crocodile. Je me demande en le regardant ce qui est préférable dans la vie, être beau, ou être assez intelligent pour ne pas poser ce genre de question quand il écrit en gros sur le pot « aliment pour poisson rouge ». Petit Con me jette un regard l’air de dire « toi tu me cherches ». — Vous devez être Kalinka ? — Comment vous savez qui je suis ? — Gisèle m’a parlé de vous. Poissons et chocolats. Je dois être rouge écarlate ce qui a l’air de lui plaire vu qu’il sourit à s’en arracher les lèvres. Il passe mon article sur sa caisse pendant que je cherche mon porte-monnaie au fond de mon sac et que j’essaie d’y cacher ma gêne par la même occasion. Je lui tends un billet, il m’encaisse en prenant son temps, en savourant mon embarras apparent. J’attends ma monnaie et mon pot pour mon poisson. — Comment il s’appelle ? il demande en me tendant le tout. — Qui ? — Le poisson. — Petit Con. Je fourre le tout dans mon sac et je fais violence à mes pieds pour sortir rapidement d’ici et arrêter de compter les clignements de paupières du caissier sur ses yeux gris ou bleus. Il rit alors que sésame s’ouvre devant moi.

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— Original, dit-il dans mon dos, mais moi c’est Harrison. À bientôt Kalinka. Je ne réponds pas et sort m’engouffrer dans le froid en singeant le remplaçant de madame Gisèle et son « moi c’est Harrison ». Appelles-toi comme tu veux, pour moi tu seras toujours Petit Con.

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