top of page

Découverte #4 - Chapitre 1 de PATRIOTES

Coucou tout le monde !

Ce soir on met à l'honneur PATRIOTES d'Amheliie.

Voici le chapitre 1 !

Le livre est dispo en papier et numérique.

Bonne lecture !




Prologue

J’aime mon pays et je veux le défendre contre les menaces extérieures.

Voilà la phrase type qui revient dans la bouche d’un soldat lorsqu’on lui demande pourquoi il a revêtu l’uniforme.

La Guerre est un concept qui échappe à tout le monde tant qu’on ne l’a pas vécue de près. Personne ne sait ce qu’est la Guerre avant d’y être confronté et de vivre au cœur de celle-ci. La Guerre n’est pas un jeu d’enfants, elle ne devrait pas non plus l’être pour les grands.

Pourtant, nous y jouions lorsqu’on avait encore l’innocence qu’ont les gamins. On piquait les tenues de combats de nos pères, leurs vieux treillis déchirés qui avaient toujours du sable dans les poches. On se frottait le visage de boue et de peinture verte pour se faire un camouflage. Les casseroles et les passoires de nos mères nous servaient de casque de protection et nos mitraillettes en plastiques servaient d’armes. Nous étions de parfaits petits soldats.

Mon père, lors d’une permission, avait même transformé notre jardin en vrai terrain de jeu pour imiter les maisons délabrées de ses opérations à l’étranger. C’était un jeu amusant. Un jeu, qui dans la réalité, ne l’est absolument pas.

La Guerre est partout autour de nous, dans les jeux vidéo d’adolescents où mourir n’est pas une réalité, où il suffit d’appuyer sur le bouton reset pour commencer une nouvelle partie. La Guerre est un sujet d’exploitation pour créer des films qui ne montreront jamais la réalité, et qui duperont les jeunes patriotes en quête de bonnes actions.

On avait l’esprit rempli de rêves et d’espoir. Porter l’uniforme était un honneur, non un sacrifice, et si cela le devenait, nous avions la certitude de partir en héros.

Porter l’uniforme était un rêve et nous en avons fait notre réalité.

Une réalité bien loin de ce que nous avions imaginé en étant gosse, en vivant de l’intérieur et en tant qu’Américain, les traumatismes que notre pays a subi durant les attentats, les guerres ou par les anecdotes racontées par les vétérans..

La réalité est beaucoup plus sombre qu’on ne pourrait le penser.

J’aurais aimé qu’on me dise que les films au cinéma et les récits de nos pères n’étaient que des fictions enjolivées de la réalité, où le secret défense venait protéger les horreurs de ces opérations à l’étranger.

J’aurais voulu qu’ils soient francs avec nous lorsque je leur ai dit qu’on s’engageait, j’aurais souhaité qu’ils nous fassent asseoir autour de la grande table de la salle à manger, et qu’ils vident leurs sacs pour nous empêcher de franchir le pas. Mais ils ne l’ont pas fait, et je ne sais pas si je dois les remercier ou les haïr pour leurs silences qui nous ont tant coûtés.

J’aurais aimé que le recruteur nous dise que nos nuits ne seraient plus jamais les mêmes et que nos douleurs ne guériraient jamais vraiment.

Nous aurions voulu savoir que le retour à la vie normale n’était pas vraiment un retour. J’aurais aimé qu’on me prévienne qu’une fois le pied posé sur le sol ennemi, nous n’en reviendrions jamais vraiment.

J’aurais aimé qu’on nous dise que tout serait différent une fois qu’on pénètre dans cette horreur, qu’on me parle de ces autres risques, de ceux qu’on n’inscrit pas sur les brochures. J’aurais voulu qu’on me dise ce que je risquais réellement, qu’on me dise la vérité sur les séquelles invisibles qui nous hanteraient jusqu’à la fin de nos existences.

J’aurais vraiment souhaité qu’on me dise que j’allais vivre dans un cauchemar, sans solution pour en sortir.

Nous étions deux, à être différents des autres soldats, et notre secret devait être autant protégé que ceux que nous découvrions au fur et à mesure de nos missions.

J’aurais aimé l’aimer plus que la mort et la peur… je l’aime plus que la peur de la mort, plus que le nombre de balles qu’on a tirées à l’autre bout du monde, et c’est ce qui nous a longtemps effrayés. Avoir peur l’un de l’autre alors que l’ennemi ne nous faisait pas trembler. L’aimer au point de regretter qu’il soit à mes côtés, trop près d’un danger, dont aucun de nous ne pourra se protéger.

Mais s’aimer, être fraternel avec les autres, avec nos frères d’armes, ce n’est pas ce qui nous sauve de l’inévitable et nous protège du danger.

Rien ne nous protège de la mort, si ce n’est elle-même. Il n’y a que notre putain de destin qui joue avec le fil de nos vies dès que nous sortons en terrain miné.

Nous sommes soldats, nous défendons notre patrie avec nos frères d’armes, et je me demande encore pourquoi personne ne nous a dit que nous ne serions plus jamais les mêmes.

PARTIE 1 :

Soldats de Guerre

« Je suis fier d’être Américain

Là au moins, je sais que je suis libre

Et je n’oublierai pas tous ceux qui sont morts

Pour m’octroyer ce droit

Et c’est volontiers que je me lève

À vos côtés et que je la défends encore aujourd’hui

Car indubitablement, j’aime cette terre

Que Dieu bénisse l’Amérique »

God Bless The USA – Lee Greenwood

Chapitre 1

Deacon

4 mai 2009

MacDill Air Force Base – Tampa, Floride.

L’Afghanistan. Voilà notre prochain lieu de résidence pour une durée déterminée de six mois. Nous allons quitter la base qui nous a formés et abrités durant trois ans pour devenir des soldats de l’armée de terre américaine.

Trois ans d’efforts pour porter fièrement l’uniforme. Trois ans pour devenir un soldat de Première Classe dans le but de gravir les échelons.

Notre formation nous a poussés au maximum de nos capacités. Les tests sont durs, gagner sa place est une décision réfléchie. On apprend à tout maîtriser, la peur, la faim, la douleur, le mal, l’adrénaline. On devient des robots avec un mental d’acier, obéissant aux ordres qu’on reçoit de nos supérieurs sans discuter et c’est normal, c’est notre normalité à nous.

On doit repousser nos limites bien au-delà de ce qu’on se pensait capable de faire et on est satisfait et fier lorsqu’on arrive au bout, qu’on tient dans nos mains le saint Graal, ce putain de bout de papier qui nous confirme qu’on a réussi.

Et nous avons réussi tous les trois, à survivre dans ce milieu hostile de la formation militaire, avec un instructeur pire que les stéréotypes qu’on peut voir à la télévision. Bennet Carter était le pire de tous, et je commence à croire qu’on nous l’a affecté exprès.

Pour entrer dans l’armée, il faut avoir un mental fort, une bonne raison d’aller jusqu’au bout. Et Carter est le plus doué pour confirmer cette théorie. Les plus faibles craquent les premiers, et les autres subissent test après test sans jamais flancher.

Nous sommes réunis pour fêter notre convocation en première OPEX[1] dans le bar de la base. C’est blindé de monde, de gars en uniforme mélangeant le beige, le vert sauge et le gris.

Nos douze compagnons de squad sont présents, douze soldats, douze frères d’armes qui sont devenus de véritables amis.

Nous sommes envoyés dans un commandement qui contrôle les unités au Moyen-Orient, en Égypte et dans les anciennes républiques de l’URSS et de l’Asie Centrale, la dénommée CENTCOM[2]. Nous sommes deux divisions de la base à prendre l’avion demain pour partir rejoindre les deux régiments qui sont partis en début d’année.

Je sors de mes pensées lorsque Chandler pose son shoot de vodka bruyamment sur le comptoir du bar, en faisant signe au serveur de venir lui remettre une tournée.

Je dévisage l’un de mes amis en souriant, ma bière à la main. J’ignore dans quel état il va être demain, mais ça risque d’être amusant.

— Dire qu’on aurait pu atterrir en Irak ! constate le militaire aux cheveux noirs.

Le Première Classe[3] Chandler Brody, 23 ans, 1m85, 90 kilos de muscles, d’origine italienne par sa mère, est l’un de mes meilleurs potes depuis l’enfance. Nos parents habitent dans le même quartier depuis… toujours. Nous avons fait toute notre scolarité ensemble avec Grayson. Son père est également un officier gradé chez les Marines. L’armée, il a ça dans le sang.

— Ne te réjouis pas trop. Notre prochaine OPEX peut tomber en plein cœur du conflit irakien, et ce sera moins marrant, déclare une voix cassée.

C’est clair, les troupes vont bientôt rentrer, et les tensions se font sentir. Mieux vaut débarquer dans un pays où on est certain d’y rester pendant un moment.

— L’Afghanistan me convient, personnellement, poursuit Chandler, je n’aurais pas voulu atterrir en Somalie. Les gars de la 6e division en sont revenus traumatisés. La moitié souffre de stress post-traumatique ! Ils sont « out » pour une prochaine OPEX, bordel !

Brody s’excite sur le bar en tapant du poing, il est toujours très… expressif en étant bourré.

— Bande de merdes, ricane Malone, le rouquin à lunette de notre squad mais également l’auxiliaire santé de notre section.

Les autres se marrent aussi. Il faut dire que les types qui raccrochent dès la première OPEX sans avoir été blessés physiquement sont considérés comme des merdes.

Chez les soldats, il y a trois critères qui ne passent pas ; être un trouillard, aimer les queues et revenir de missions traumatisés.

Parce qu’un soldat n’est pas censé péter un câble, il n’y a que les faibles qui engendrent ce genre de traumatismes, les autres, les plus forts sont programmés pour ne pas l’être. Et nous ne sommes pas des faibles sinon, nous aurions lâcher l’affaire durant la formation.

Le seul qui ne réagit pas, c’est Gray. Je résiste à dévisager le grand brun assit sur un tabouret à côté de trois autres types de notre squad.

Le Première Classe Grayson River est le dernier membre de notre trio infernal, 23 ans aussi, 1m90, 90 kilos de muscles, des yeux vert émeraude qui ont fait craquer plus d’une fille au lycée. Nos deux mères sont amies depuis l’adolescence, alors il est comme mon frère. Toutes mes pires conneries, je les ai faites avec lui, toutes mes expériences ? Elles se sont passées à ses côtés. On a tout fait à deux, et parfois à trois lorsque Chandler se montrait courageux.

L’énergumène silencieux joue avec sa bouteille de bière depuis que nous sommes arrivés, il affiche un air fatigué voire agacé, mais difficile de le déchiffrer ces derniers temps.

Chandler, bien qu’un peu saoul, ne manque pas de remarquer la tension qui m’habite.

— Bon, et si vous creviez l’abcès ? On se casse d’ici pour six mois et j’aimerais revenir entier de notre première mission.

Je fronce les sourcils, surpris de la remarque de Chandler, on peut dire qu’il n’y va pas par quatre chemins. Droit au but est souvent sa devise d’ailleurs.

Nos autres camarades se taisent subitement, comme s’ils ne voulaient pas rater une miette de la future discussion.

Je termine ma bière en quelques gorgées, je n’ai pas encore réfléchi à la meilleure solution pour aborder ce sujet, pour « crever l’abcès » justement. Certains problèmes sont à prendre avec doigté, ils doivent être traités avec délicatesse et subir une expertise poussée en pesant le pour et le contre.

Je ne peux pas crever un abcès qui dure depuis trois mois comme ça, devant tous nos collègues surtout en ayant connaissance des faits. Chandler est con de balancer ça maintenant, mais je préfère mettre sa bourde sur le compte du nombre de verres qu’il a bus ce soir plutôt que sur son impatience à nous voir nous détester l’un l’autre.

Grayson et moi échangeons un regard furtif, mal à l’aise, qui rend l’ambiance pesante.

— Il ne se passe rien, je réponds.

Otis, Jackson et Malone se mettent à rire en m’entendant dire ça.

— Et moi je baise avec ta sœur, renchérit Otis son accent qui vient du fin fond du Texas, c’est un blanc-bec au crâne presque rasé.

Grayson se tourne en posant son unique bière qu’il fait durer depuis deux heures, le regard noir qu’il leur lance les fait taire. Le grand brun a toujours cet effet-là sur les gens. Si tout le monde aime Grayson, Grayson n’aime pas grand monde mis à part certaines exceptions. C’est son caractère, il est comme ça. Les connards, les idiots et les curieux, il ne les supporte pas.

Heureusement pour nous, notre squad est composé principalement de mecs ayant un cerveau, ce qui évite les remarques désagréables de notre meilleur pote. Mais au-delà de ce gros défaut, Grayson River est un mec en or, avec le cœur sur la main et possédant une intelligence juste. On peut parler de tout avec lui, sans craindre de s’ennuyer. Il impose un respect naturel que peu de personnes ont. Et dans notre bataillon, être l’ami de River, c’est le but de la plupart des gars.

— Laisse ma sœur tranquille, connard. Je te dis qu’il n’y a rien, je poursuis, en ignorant le regard vert pesant de Grayson qui sous-entend le contraire.

Chandler semble ailleurs, puisqu’il ignore délibérément les autres gars. Quand il a un objectif à atteindre, il ne le lâche pas, et ce soir, son objectif semble être de nous rabibocher. Gray et moi nous ne sommes pas vraiment fâchés, nous sommes juste… en froid. À cause d’un malentendu qui renferme d’autres malentendus. Un putain de cercle vicieux en fin de compte qu’on doit maîtriser et analyser sous toutes les coutures.

Notre connerie commune a mis un sacré merdier qui ne peut pas être réglé en deux minutes. Il faut qu’on la digère et Chandler doit se montrer patient, jusqu’à preuve du contraire, avant que cet… incident n’arrive, nous avons toujours su nous montrer professionnels. Qu’il cesse de s’inquiéter pour ses couilles, elles seront toujours présentes à notre retour d’Afghanistan dans six mois.

— Alors pourquoi vous ne parlez plus ? insiste Chandler.

Grayson passe une main dans ses cheveux bruns coupé courts. Ce n’est pas un signe de nervosité chez lui, mais plutôt d’agacement.

Ouais moi aussi ça m’agace cette situation, mais il ne fait rien pour l’arranger non plus.

— Parce qu’on n’a pas avalé un moulin à parole au petit déjeuner comme toi. Pas besoin de parler avec Deac pour qu’on se comprenne. Je te rappelle qu’on rentre d’une opération de surveillance d’un mois, à faire la plante toute la sainte journée, crois-moi, on a eu le temps de bavarder.

Il ne me laisse pas le temps de renchérir à son mensonge, qu’il annonce en fuyant presque le bar de sa voix cassé :

— Je vais m’en griller une.

Gray disparait la seconde d’après, nous plantant comme deux merdes au bar. Je le regarde se fondre dans la masse, son corps d’athlète musclé dans son pantalon treillis aux couleurs habituelles, ses rangers et son t-shirt vert kaki. La chaine en argent où pendent ses plaques brille au reflet de la lumière.

Effectivement, nous rentrons à peine de cette mission interne, où nous avons dû faire les cent pas sur des lieux à risque en binômes, mais là où Gray raconte de la merde, c’est que nous n’avons presque pas eu de réelles discussions comme celles qu’ont tous les meilleurs potes entre eux.

— C’est mal barré pour qu’on récupère la bonne ambiance, annonce Jackson.

Je soupire, ce con a raison, c’est mal barré. Notre squad est l’un des plus solidaire et animé, et depuis trois mois… ce n’est pas le top. C’est la faute à Grayson, mais également la mienne.

— Je t’ai tendu une perche, mon pote, déclare Chandler en soutenant mon regard pour attirer mon attention.

Je lui envoie un coup de poing dans l’épaule, ces derniers temps, je pense beaucoup trop et je me perds dans mes pensées. Ce n’est pas pour rien que Carter me surnommait Einstein.

— Tu parles d’une perche, abruti ! On est en plein bar avec tous nos camarades. Question discrétion et tact, tu repasseras ce soir, je grogne presque.

Chandler se met à rire devant ma réaction, il pointe son verre comme en signe d’excuse.

— Tu comptes cesser de masturber ton petit cerveau de blond quand ?

— On verra une fois qu’on sera à Khost. On pourra parler sans tout le merdier autour.

Même moi, je ne crois pas en cette théorie.

— Non c’est sûr, au lieu de régler vos problèmes avant de partir, vous les emmenez avec vous dans un endroit, où on devra en gérer d’autres. Ouais, je comprends pourquoi vous êtes les meilleurs amis du monde, aussi con l’un que l’autre lorsqu’il s’agit de faire le premier pas. D’habitude t’es moins… trouillard.

— D’habitude, t’es plus compréhensif, Brody.

Chandler lève son verre pour trinquer dans le vide. Cette soirée qui devait être festive s’annonce plutôt morose.

Je le dévisage quelques instants encore avant de me décider : je veux me changer les idées. Je tapote chaleureusement son épaule en prenant à mon tour la fuite.

— Va lui parler toi, moi, je vais aller défier Alvarez et Wes aux fléchettes, je lance en saisissant une bouteille de Corona pleine.

— Trouillard, me crie mon pote.

J’ignore cette réflexion en me dirigeant vers le restant de notre squad, au fond du bar, près du mur où se trouvent les cibles, avec une nouvelle bière en main. Je ne suis pas réputé pour être un peureux, j’ai plus de couilles que la plupart des hommes réunis et je dois ce courage sans borne à mon père. Mais avec Grayson… je perds toute logique et toutes pensées cohérentes. Et c’est à cause de ça que notre problème dure depuis trois mois déjà.

[1] : OPEX = Opération extérieur.


[2] : CENTCOM = United States Central Command. Le United States Central Command ou CENTCOM (littéralement Commandement central des États-Unis) est l'un des dix Unified Combattant Command dépendant du département de la Défense des États-Unis.


[3] : Première Classe est un garde dans l’armée américaine. Au-dessus de Deuxième Classe, ce grade appartient à la catégorie des « Hommes de Rang », c’est l’un des grades les plus bas. Un grade qu’ont presque tous les engagés. Voir INDEX fin du livre.

26 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page