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Photo du rédacteurAmheliie&Maryrhage

Découverte #3 - Chapitre 1 de "MADNESS"

Dernière mise à jour : 29 juin 2018

Coucou tout le monde !

Ce soir on met à l'honneur le premier titre de MARYRHAGE. Il s'agit de MADNESS !

Voici le chapitre 1 !

Le livre est dispo en papier et numérique.

Bonne lecture !




Chapitre 1 : Maybe Tomorrow


Je suis bien allongée sur ce banc, notre banc. Un léger vent souffle, mes yeux se délectent des derniers rayons de soleil sur le cerisier en fleurs. C’est calme, étonnamment calme. Nathalie caresse doucement mes cheveux et je suis sur le point de m’endormir. C’est si doux et relaxant, mais la technologie m’extirpe de ce moment de grâce quand le téléphone de Nathalie vibre sous ma tête. Je me redresse pour la laisser prendre l’objet que j’ai envie de jeter tellement j’étais bien. Je l’entends soupirer.

— Driss ?

— Oui, il ne peut pas venir ce soir.

Je me réinstalle sur ses jambes en la regardant, mon amie si belle, une beauté brune aux grands yeux marron doux et un corps à se damner. Je l’ai haïs la première fois que je l’ai vu dans le hall de l’immeuble où l’on habite. Elle était trop belle. Tous les mecs se retournaient sur elle dans la rue, ça me donnait envie de la gifler surtout qu’elle n’y prêtait pas attention. Cependant, elle est adorable, impossible de la détester. Moi, je fais quiche à côté d’elle. Mes cheveux bouclés désordonnés, mes seins énormes et mes deux petits bourrelets sur le ventre que je cache avec de grands t-shirts. Elle représente la féminité et moi, le manque de goût mais nous sommes amis.

— Pourquoi tu t’obstines ?

Elle ferme les yeux un instant. Elle est triste qu’il ne vienne pas, mais c’était perdu d’avance. Cette relation ne les mènera nulle part.

— Je n’en sais rien…Je me dis qu’un peu c’est mieux que rien.

— Oui, mais ce "un peu" va te faire souffrir quand vous en serez au rien.

— Je sais…

Elle est folle de lui. Évidemment, lui aussi l’aime, mais les contraintes familiales prendront le dessus sur leur amour. Jamais le père de Driss ne lâchera. Il devra se marier avec une Musulmane que son père aura pris soin de choisir pour lui et Nathalie ne pourra que pleurer.

Je retourne à la contemplation du cerisier en pensant que finalement j’ai bien de la chance. Je ne suis pas amoureuse. Je ne l’ai jamais été je crois. Évidemment, moi, les hommes ne me regardent pas. Ils n’ont pas de désir pour moi. Je me hais pour ça d’habitude mais quand je la vois s’accrocher à une histoire perdue d’avance, je suis heureuse d’être dans mon corps.

Une voiture s’approche doucement du parking en face de nous de l’autre côté du carré d’herbe qui nous sépare de la route; une grosse Mercedes. Je suis étonnée par sa lenteur. Dans ce quartier, seuls les flics roulent doucement. Le reste des habitants ne connait pas la limite de vitesse, mais là, aucune chance que la police ait investi dans des Mercedes. Les portières s’ouvrent et je vois Thomas sortir du côté passager. Je me redresse tellement vite que la tête me tourne et je vois un autre homme sortir du côté du conducteur. Thomas s’approche de nous, toujours souriant, et sa démarche cadencée comme si ses jambes étaient dirigées par une musique. Il me fait sourire comme toujours, mon rayon de soleil. On se connait depuis, eh bien 20 ans, depuis toujours lui, Mathieu et moi. C’est mon ami, mon voisin, mon frère. Il sait tout de moi, me connait par cœur et moi aussi. Mes yeux se détachent de lui pour regarder celui qui l’accompagne; un mec grand et fin. Sa démarche est plus féline, ses cheveux châtains un peu longs sont balayés par le vent. Les mains dans les poches, il regarde Nathalie évidemment. Je ne distingue pas la couleur de ses yeux à cette distance, mais il est évident qu’ils sont braqués sur mon amie. Moi, je reste sur lui, il m’intrigue. Quelque chose de menaçant et d’excitant se dégage de lui. Il n’est pas spécialement beau, pas le genre à faire des couvertures de magazines mais plutôt charismatique. Il impose du respect par sa présence et sa façon de se tenir la tête haute. Ses yeux se posent sur moi alors que je le dévisage et il penche la tête sur le côté pendant que je détourne le regard sur Thomas et sa gueule d’ange que je connais parfaitement.

Je me lève et me souviens que mes cheveux sont détachés et que je dois donc ressembler à une sorcière, ce que Thomas me rappelle en frottant mon crâne.

— Hey Carabosse !

Il me prend dans ses bras forts, les bras de ceux qui travaillent de leurs muscles. J’aime son odeur de bois. Il sent toujours le bois même après la douche. C’est lui cette odeur, c’est rassurant de savoir que rien ne change. Il m’embrasse sur la joue avant de s’écarter afin que je puisse attacher ma tignasse. Son ami est là, à trois pas de moi. Je fais de mon mieux pour ne pas le regarder pendant que Nathalie embrasse Thomas.

— Les filles, je vous présente Ludo, un pote!

Thomas, toujours souriant, s’approche de moi tandis que Nathalie est absorbée par son téléphone et que Ludo, lui, est absorbé par Nathalie.

— Tu m’as manqué ma belle.

— Ça s’est bien passé ?

Il souffle en passant la main dans ses cheveux bruns en bataille.

— Ouais, c’est bon! On a fini le chantier. Je recommence lundi ici. Finies les expéditions à la campagne!

Je ris. Tant mieux, lui aussi m’a manqué. C'est bizarre de passer une semaine sans le voir. Déjà que Mathieu n’est plus là. Si je le perds lui, je me perds aussi.

— Une balade à l’étang, ça vous dit ? demande Thomas en nous regardant Nathalie et moi.

J’acquiesce d’un signe de tête largement intimidée par Ludo. Nathalie, trop absorbée par son téléphone, nous suivrait en enfer. On suit donc Ludo dans sa magnifique voiture tout en cuir. Je fais tache avec mon pantacourt, mon t-shirt et mes tongs. Je ne suis pas à ma place dans ce luxe. Je me demande comment Thomas a rencontré Ludo. Il ne m’en a jamais parlé. D’où il vient, quel âge il a, qu’est ce qu’il fait dans la vie ? On habite une ville moyenne et je n’ai pas le souvenir de l’avoir déjà croisé. Pleins de questions me traversent l’esprit alors que nous prenons la route de l’étang dans le calme. Thomas se retourne sur son siège et me sourit avant que mes yeux croisent le vert de ceux de Ludo dans le rétro. Il me contemple avec intensité et intérêt comme s'il essayait de trouver une réponse dans mon regard. Je détourne la tête quand Nathalie soupire.

— Arrête! Laisse ton portable le temps d’une soirée.

Elle me regarde en s’appuyant confortablement sur le siège accueillant de la voiture. Elle est las de se battre je le vois bien. Ce qui m’attriste, c’est de ne rien pouvoir faire pour elle. Je tourne la tête et remarque qu’on est arrivé. Je me laisse absorber par cet endroit que j’aime. Les sols pleureurs qui descendent au ras de l’eau, le soleil couchant qui s’y reflète et mes souvenirs.

— Marie ?

— Oui

— Tu descends ou pas ? me demande Thomas.

Ah oui, tout le monde est sorti. Ludo me regarde descendre en secouant la tête. Son sourire m’agace. Il se fou de moi ouvertement en refermant les portes avec la télécommande. Enervée, je les précède sur le chemin qui entoure l’étang. J’aime cet endroit. Le mini-golf d’un côté, la plage en face avec le bar et à gauche l’école de voile. Passage obligatoire de tous les écoliers de la ville, où j’ai fini plus de fois dans l’eau que sur l’optimiste. J’écoute pour la première fois la voix de Ludo dans mon dos. Il a une voix grave et suave. Elle me fait frissonner tellement les intonations sont fortes. Il parle de pêche avec Thomas, une de ses grandes passions qu’il partageait avec Mathieu. Moi, entrainée de force à les regarder passer des heures une cane à la main à attendre que le poisson morde. J’aimais ces moments parce qu’on était tous les trois heureux.

Je m’installe sur la pelouse à notre endroit; celui de Thomas, Mathieu et moi. Je regrette qu’il ne soit pas là. Je m’allonge sur l’herbe et enfile mes lunettes pour regarder le soleil se coucher et cacher ma déception de partager cet endroit avec un autre que Mathieu. Thomas s’installe à côté de moi. J’aime sentir sa présence. Je ferme les yeux et me détends. J’entends Nathalie rire et me redresse pour la voir près de l’eau. Ludo est accroupi à côté d’elle, il n’a pas perdu de temps. Thomas est étrangement silencieux.

— Dis-moi ?

Je relève mes lunettes pour le contempler. Ouais, un truc ne tourne pas rond.

— Quoi ?

— Ce qui te tracasse.

Il sourit mais ne dit rien.

— C’est si grave que ça ? Je m’assois. C’est Mathieu ?

— Non rien de grave juste…ne t’énerve pas ok ?

En disant ça, c’est mal barré. Je sens déjà la peur. J’ai une fâcheuse mauvaise habitude à péter des crises de nerfs quand quelque chose me déplait. Thomas le sait, mais je ne m’énerve pas pour rien. Quand c’est le cas, ça fait mal.

— Si tu commences comme ça…

— Je déménage.

J’entends Nathalie dire « aie » oui aie. Comment ça il déménage ? Il va où ? Avec qui ? Pourquoi ?

— Comment ça tu déménages ? Tes parents déménagent ?

Thomas et moi aussi habitons encore chez nos parents. Moi, je continue mes études. Lui, après avoir été forcé à faire un bac S qui ne l’intéressait pas du tout a enfin trouvé sa voie dans la menuiserie. Il fait un apprentissage.

Il se redresse, pose ses mains sur les miennes qui tremblent. Je ne m’en étais pas rendue compte.

— Marie, calme-toi!

— Je suis très calme. Arrête de me materner et dis-moi !

Je retire mes mains violemment. Ça monte en moi parce que je sais.

— Non j’ai pris un appart seul.

J’inspire en fermant les yeux où des larmes coulent. Hors de question que je ne me contienne pas. Non, je dois le faire! Thomas m’abandonne. Il s’en va, seul sans moi. Où ? Je n'en sais rien, mais loin de moi comme Mathieu. Je me lève et pars en courant pieds nus. Je ne vois rien d’autre que la fureur qui m’habite. Les pierres du chemin me coupent les pieds mais même la douleur ne peut rien contre ma colère. J’ai besoin d’évacuer et courir à défaut de taper me fait du bien. Il n’a pas le droit de me faire ça. Il avait promis…J’heurte quelqu’un qui me retient par les épaules en me secouant. Je dois ressembler à une folle échappée d’un asile en pleure, mais Thomas m’a suivi et l’homme me relâche. Je m’écroule à bout de souffle.

Thomas me parle. Je l’entends mais ne l’écoute pas. Dans ma tête, il n’y a que non, je ne veux pas. Je ne pourrai pas. Il va partir et, moi, je resterai seul dans ce quartier minable. J’irai où quand j’aurai besoin de lui ? Tous mes repères s’écroulent en quelques moi. C’est trop ! Je suis consciente que c’est débile et puérile. À vingt ans, on ne réagit pas comme ça, mais c’est plus fort que moi. J’ai besoin de lui près de moi. Juste de savoir qu’il est là et que je peux compter sur lui à n’importe quel moment.

— MARIE !

— Tu…

— Je ne pars pas à l’autre bout du monde ! Arrête de pleurer et écoute-moi !

Je relève la tête pour le regarder, lui, ses grands yeux bruns paniqués. Si Mathieu a toujours su me calmer, Thomas, lui non. Il est désemparé devant moi et je m’en veux de lui infliger ça, mais je ne maîtrise rien.

— Marie, je ne serai pas loin. Je serai toujours là pour toi.

J’inspire et j'expire une dizaine de fois pour être en état de parler.

— Où ?

— À l’Est de la ville.

— Pourquoi ?

Ma voix est ridicule. On dirait un chat qui miaule.

— Marie…Mes parents, ce n’est plus possible...

J’acquiesce d’un signe de tête. Je suis consciente qu’avec ses parents c’est compliqué. Ils ne veulent pas que leur fils travail le bois mais qu’il devienne médecin. Ils ne l’ont jamais vu dans son atelier. Le bois, c’est une extension de son corps. Il le maîtrise et l’aime.

— Je suis désolée! J’arrive à répondre en inspirant. Je tremble de partout et mes pieds sont en sang.

— Non, c’est moi. J’aurais dû t’en parler plus tôt, mais j’avais peur de ta réaction et sans …

Il ne finit pas, comme si c’était Voldemort.

— Mathieu.

— Oui.

Il s’assoit à côté de moi.

— Tu as des nouvelles ?

— Oui, il est parti pour deux semaines dans le Sud avec Élise.

Putain, il part même en vacances avec elle... Il doit l’aimer celle-là...

— Et après ? Il revient ?

— Je ne sais pas Marie. Je ne pense pas...

Pourquoi il ne m’appelle pas moi ? Je ne comprends pas, je ne lui ai rien fait. Du jour au lendemain, il est parti avec elle sans rien dire. Il nous a laissé, il a fuit mais quoi ? Je n’en sais rien et j’ai arrêté de me poser des questions.

— Comment tu vas faire ? Tu n’as pas les moyens de payer un appart.

— Ne t’inquiète pas pour ça.

— Évidemment que si, je m’inquiète pour ça. Avec quel argent tu vas payer ?

Il souffle et arrache une touffe d’herbe. Ses bras musclés se contractent sous son t-shirt.

— Ludo va m’aider.

— Comment ?

— Juste ne t’inquiète pas…Allez. viens, on y va!

Je me lève en grimaçant. Mes pieds sont douloureux et Thomas me porte sur son dos.

— C’est malin, tu l’as fait exprès pour que je te porte? Avoue...

Nous rions.

— Évidemment !

— Thomas ?

— Hum ?

— Tu ne partiras pas ?

— Promis, tu viens quand tu veux chez moi. Tu m’appelles si tu as besoin. Je serai toujours là.

On arrive à hauteur de Nathalie et Ludo qui ont l’air d’être en pleine discussion. Ils se lèvent quand on arrive et Thomas me pose sur l’herbe.

— La crise de nerfs est finie ? demande Ludo.

Je ne réponds même pas et récupère mes chaussures. La nuit est tombée et l’air s’est refroidi.

On part en direction de la voiture et Nathalie me rassure en chemin. C’est plus fort que moi. Je n’arrive pas à l’envisager. Pourtant, c’était inévitable. On a grandi, forcément, chacun prend sa route et on sera séparé. Mais, pas maintenant, pas les deux d’un coup.

Sur la route, ils rient. Je n’écoute pas. Mes pieds me font mal. Je n’ai qu’une envie: une douche et dormir. Essayer d’oublier et de me conduire en adulte pour une fois. Ludo nous dépose devant mon immeuble. Nathalie regagne sa voiture et rentre. Elle a un appart en ville depuis qu’elle bosse comme coiffeuse. Ludo fait pareil en me dévisageant une dernière fois. Ce type est bizarre. Un mélange excitant et inquiétant. Il aurait écrit danger sur son front que ça ne m’étonnerait pas.

— Au revoir Marie!

Surprise de l’intonation de sa voix, mes yeux se braquent sur les siens. J’ai chaud subitement et je me sens rougir sous ses yeux. Il remonte dans sa voiture et s’en va. Thomas pose sa main sur mon épaule et me fait sursauter. Attends! Je pensais à quoi là ?

— Tu dors chez moi ?

— Heu oui...

Ce sera sûrement la dernière fois qu’on se retrouve lui et moi dans sa chambre alors, oui, une dernière fois avant de devenir adulte.

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